Cette intuition fonde le Festival ManiFeste, dans ses nouvelles ambitions et dimensions. ManiFeste-2025, le Festival du printemps à Paris, est un manifeste de la création musicale et du spectacle vivant, un manifeste pour un art savant, désirable et populaire, comme en attestent les longues séries de représentations de cette nouvelle édition. Le Polytope de Xenakis et l’électronique d’aujourd’hui, Joan Miró et Hèctor Parra, les Folk songs de Berio et de Diana Soh, Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle et les sons du Cyclop : ManiFeste capte l’effervescence du contemporain et la force de l’art moderne, pas l’une sans l’autre. 

 

L’avenir ne s’écrit pas, il se raconte. En ouverture de festival, L’Ombre, un conte d’Andersen devenu spectacle de réalité mixte, signé Blanca Li et Édith Canat de Chizy. À La Villette, Heiner Goebbels précipite un autre « récit », une petite histoire du XXe siècle par les sons, les corps et la télévision. Notre besoin d’intrigue musicale et de grande forme est irrépressible. En témoignent Prozession d’Enno Poppe, Faro de Claudia Jane Scroccaro, les archipels de Michael Jarrell. Happé par la narrativité, ManiFeste connaîtra sa coda logique sur les scènes lyriques. À Cologne pour les Derniers jours de l’humanité de Philippe Manoury, à Aix-en-Provence pour l’opéra de Sivan Eldar mis en scène par Peter Sellars. 

 

L’avenir ne s’écrit pas, il se fait. Tel pourrait être l’héritage de Pierre Boulez. Mobilisé par la transmission, le fondateur de l’Ircam s’est toujours préoccupé du sens d’une direction artistique, qui oriente la vie d’un festival, d’une collectivité musicale, d’une politique culturelle. La vie qui ne reproduit pas l’existant, comme s’en amusait Diderot : « Tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas est écrit là-haut. Savez-vous, monsieur, quelque moyen d’effacer cette écriture ? » Oui, cela s’appelle précisément « créer ».

 

Frank Madlener, directeur de l'Ircam