La clameur du monde

 

nullManiFeste-2023, le Festival du printemps à Paris, est traversé par la clameur du monde. La salle de spectacle en nouvelle place publique ? Luciano Berio le pressentait pour son Laborintus II pouvant « être représentée à l’école, au théâtre, à la télévision, en plein air ou en tout autre lieu qui permet de rassembler un auditoire ». La clameur du monde, c’est l’orchestre et l’électronique de Cortèges de Sasha J. Blondeau que la voix solitaire de François Chaignaud vient rejoindre. La clameur du monde, c’est la violence urbaine inouïe d’Amériques et les cataclysmes immémoriaux d’Arcana d’Edgard Varèse. La clameur du monde, c’est enfin la puissance de la mémoire, le déphasage des temps et des époques, la présence de revenants auxquels l’ingénierie numérique entend redonner vie et voix.

 

La nouvelle édition de ManiFeste se choisit pour emblème Janus, figure romaine bifrons regardant vers le passé et l’avenir, dieu des commencements et des fins. Mémoire labyrinthique de Berio/Dante/Sanguineti, mémoire vive du Grand Siècle pour le programme Janus initié avec le Centre de musique baroque de Versailles, galerie des glaces de la polyphonie renaissance dans The Mirror Stage de Bernhard Lang. Mémoire collective pour le chorégraphe nigérian Qudus Onikeku ou mémoire d’un corpus gigantesque exploré aujourd’hui par la puissance des intelligences artificielles. « Le temps est sorti de ses gonds », Hamlet le proclamait après sa rencontre avec le spectre de son père. ManiFeste-2023 convie à son tour des revenants tenaces, l’archive vivante et l’amnésie créatrice.

 

Frank Madlener, directeur de l'Ircam